Décryptage | La décarbonation ne s’improvise pas
La France s'est engagée à atteindre la neutralité carbone en 2050. Pour l'industrie, cela se traduit par un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de 35 % d'ici 2030 et de 81 % d'ici 2050 par rapport à 2015. Les directives des pouvoirs publics, français et européens, imposent de faire vite et fort, néanmoins la décarbonation ne s'improvise pas. Elle repose sur une stratégie structurée en plusieurs volets, combinant efficacité énergétique, récupération de chaleur et adaptation du mix énergétique.
Une pression forte sur l'industrie
Le fait que 1 000 entreprises industrielles produisent à elles seules 80 % du CO₂ du secteur pourrait laisser penser que décarboner l'industrie est simple. Pourtant, la réalité est bien différente. L'industrie manufacturière et la construction constituent le troisième secteur le plus émetteur de CO₂ en France, avec 73 millions de tonnes équivalent CO₂ en 2022, derrière le transport routier et l'agriculture.Face à cette pression, il est essentiel pour les industriels de ne pas se lancer dans la décarbonation sans une feuille de route claire, adaptée à leur réalité.
Définir son périmètre d'action
Avant d'engager une démarche de décarbonation, il est crucial de définir un périmètre d'intervention. En général, les entreprises concentrent leurs efforts sur les scopes 1 et 2 :- Scope 1 : émissions directes liées à leurs activités (combustion, procédés).
- Scope 2 : émissions indirectes liées à la consommation d'énergie (électricité, vapeur).
Le scope 3, qui correspond aux émissions liées à la chaîne de valeur (matières premières, transport, trajets domicile-travail, etc.), représente souvent la majorité des émissions des entreprises industrielles.
Déployer un plan d'action structuré
L'efficacité énergétique : la première étape
La meilleure énergie est celle que l'on ne consomme pas. Ainsi, l'amélioration de l'efficacité énergétique constitue le point de départ de toute stratégie de décarbonation. Cette approche repose sur des actions de bon sens, telles que :- Remplacer les éclairages halogènes par des LED
- Isoler les bâtiments et les tuyauteries
- Réduire les températures de chauffage
Des audits énergétiques permettent d'identifier des leviers concrets d'économies d'énergie et d'évaluer les investissements nécessaires. Selon les cas, ces actions peuvent générer des réductions de consommation d'énergie allant de 5 % à 30 %.
La récupération de chaleur fatale : une voie prometteuse
La valorisation de la chaleur fatale, issue des rejets thermiques des procédés industriels, constitue une autre solution d'efficacité énergétique. Ces rejets – fumées, eaux de refroidissement, vapeur, etc. – peuvent être réutilisés pour produire de l'eau chaude, alimenter d'autres procédés ou même être vendus à des infrastructures externes.Adapter le mix énergétique
Une fois les efforts d'efficacité énergétique mis en place, la remise en cause du mix énergétique s'impose. Cela consiste à remplacer les énergies fossiles (gaz, fioul, charbon) par des solutions moins carbonées :- Électricité ou gaz vert
- Biomasse
- Énergies renouvelables telles que le solaire ou l'éolien
Ce travail doit intégrer une réflexion sur l'évolution des coûts de l'énergie et éviter une dépendance excessive à une seule source.
Investir pour une transformation durable
La mise en œuvre d'une feuille de route de décarbonation peut nécessiter de repenser complètement la philosophie de l'entreprise. Cela implique des investissements à court, moyen et long terme.
Les centres techniques, tels que le CETIAT, jouent un rôle essentiel dans cet accompagnement. Leur expertise et leur indépendance permettent de proposer des scénarios adaptés, tenant compte des spécificités de chaque industriel, de son périmètre d'intervention et du rythme qu'il souhaite adopter.
La décarbonation, loin d'être un simple impératif réglementaire, est une opportunité stratégique pour les industriels de repenser leur performance énergétique tout en réduisant leur empreinte carbone.
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